Reportage MOULES à Pénestin !

Pour célébrer la saison de récolte des moules de bouchot et le lancement de ses deux nouvelles recettes :
Le Velouté de Moules de Bretagne et La Crème de Moules au Curry, la belle-iloise vous emmène à Pénestin, à quelques encablures de Quiberon, pour tout apprendre de leur culture en compagnie de Gilles Foucher, mytiliculteur. Il nous embarque sur l’eau à la découverte de ses parcs dans la splendide baie de Pont-Mahé, un site d’exception classé « Natura 2000 » !
Puis, nous rencontrons notre partenaire local Axel Brière, fondateur de Mussella, une association de producteurs bretons engagés qui revalorise les moules de bouchot considérées comme trop petites et sauve ainsi près d’un tiers de la production de ces moules d’exception !
Un reportage photos signé Joséphine Lefebvre…



Patrick Walton et la naissance des moules de bouchot
Pratiquée uniquement en France, l’élevage des moules sur bouchot est une technique de culture historique et artisanale qui serait apparue en 1235 au large de la Rochelle…
La légende raconte qu’on doit son invention à Patrick Walton, un marin irlandais qui se serait égaré en mer et aurait fait naufrage sur les côtes charentaises. Sans ressource et affamé, il aurait alors planté des piquets en bois dans la vase pour tendre des filets afin d’attraper des oiseaux marins et se sustenter. Au lieu de cela, il constata à sa grande surprise que ses piquets se couvrirent de moules qui s’y accrochèrent naturellement !
Révélant un potentiel insoupçonné, cette découverte fortuite aurait conduit Walton à multiplier les pieux sur l’estran, donnant naissance aux premiers parcs à moules et à la méthode traditionnelle de culture sur bouchot, aujourd’hui emblématique de la mytiliculture française et reconnue au niveau européen par le label « Spécialité traditionnelle garantie » !

Simple et ingénieuse, l’élevage des moules sur bouchot favorise leur croissance grâce aux marées et à leur environnement naturel sur l’estran dans des zones abritées : des eaux bercées par des courants doux et salés, riches en nourriture phytoplanctonique et en nutriments. L'alternance des périodes émergées et immergées leur donne ce goût finement iodé et une chair de qualité qui font toute leur renommée !
Côté Baie de Pont Mahé : rencontre avec Gilles Foucher

Gilles Foucher, mytiliculteur à Pénestin depuis une vingtaine d’années, nous précise que la culture des moules de Pénestin est également inscrite au Patrimoine Culturel Immatériel (PCI) de France depuis 2020…
Sa devise : « La moule de Pénestin, la moule qui vous fait du bien ! ».
« Avec 350 000 pieux et une production de 3500 tonnes de moules par an environ pour 32 mytiliculteurs, Pénestin est un petit bassin, mais il y a plus petit encore à la Plaine-sur-mer ! ». Ses parcs à lui comptent environ 25000 pieux et sa production représente environ 400 à 500 tonnes de moules par an.
Les pieux peuvent mesurer jusqu'à 6 mètres de haut, et sont enfoncés à 1/3 dans le sable ou les sédiments. La partie immergée permet aux moules d’être exposées à l’air 2 fois par jour, à marée basse, favorisant leur développement et leur qualité. Les pieux sont généralement en bois de chêne ou de châtaignier, non écorcé, car c’est l’écorce qui permet aux moules de s’y accrocher grâce à leurs filaments appelés byssus.

La saison de récolte de moules de bouchot commence début juillet et se termine mi-octobre/début novembre en fonction des vents. Arrivant à maturité au bout de 18 mois, leur culture se fait en 3 étapes : le captage, le garnissage et la récolte !
Étape n°1 : le captage des naissains

Les moules sont d’abord captées à l’aide de cordes en fibre naturelle de coco, qui sont installées dans l’eau en février/mars, juste avant le cycle de reproduction.
Les moules se reproduisent par fécondation dans l’eau : la moule femelle y pond des millions d’œuf tandis que les moules mâles libèrent des cellules sexuelles. À l'éclosion, des œufs, les larves sont à la recherche d’un support où se fixer pour se transformer petit à petit en jeunes moules, appelées « naissains ».
Au printemps, les naissains s’installent ainsi naturellement dans les cordages filamenteux tendus en mer à la fin de l’hiver, formant en quelques semaines des cordes de moules.
À partir de juillet, les cordes de naissains sont coupées en tronçons de 2,5 mètres pour être ensuite installées sur les pieux de bouchot, en vue de l’étape n°2 du garnissage !



Étape n°2 : le garnissage et l’élevage sur pieux

De juillet à septembre, les cordes de naissains sont enroulées autour des pieux de bouchots dégarnis et propres de toute aspérités.


Après les avoir simplement fixés avec un élastique, les mytiliculteurs protègent les pieux avec un filet rétractable. Au fil des mois et au fur et à mesure que les moules grandissent, ils observent leur développement attentivement et recouvrent les bouchots d’un ou deux filets de catinage supplémentaires pour ne pas qu’elles se détachent et tombent.

Étape n°3 : la récolte

Un an plus tard, à partir de l'été, vient la saison de « pêche » des moules qui sont récoltées à l’aide d’un engin spécial, appelé « la pêcheuse » ! Par le biais d’une grue, les mytiliculteurs actionnent la pêcheuse qui descend jusqu’à la base du pieu et remonte en fermant ses deux volets dessus, afin d’en décoller les moules et les verser ensuite dans des bacs à bord, sur le pont du bateau.



Une fois les moules pêchées, l’équipe se hâte de rentrer au chantier mytilicole pour les trier, les laver et les livrer en vue de leur commercialisation.
Celles mesurant moins de 12mm d’épaisseur sont considérées comme trop petites pour bénéficier du label STG et être commercialisées en poissonneries ou restauration. Auparavant rejetées à la mer ou abandonnées sur l’estran, et donc gaspillées, ces moules hors-gabarit sont envoyées depuis 2021 chez Mussella, à 5 kilomètres de là, qui les revalorise en les décortiquant et les conditionnant pour de multiples usages innovants !
Un grand merci à Gilles et ses collaborateurs : Renan, Titouan, Michel et les deux Arnaud de nous avoir accueilli avec tant de pédagogie et de sympathie !

Côté Mussella : rencontre avec Axel Brière

Fondateur et Directeur de Mussella, Axel Brière nous a donné rendez-vous devant son usine de décorticage de moules, qui arrivent d’un peu partout en Bretagne : de Saint-Brieuc, de la Plaine-sur-mer, du Mont-Saint-Michel, de la Baie de Cancale et de Pénestin bien-sûr ! En pleine saison, il réceptionne des moules fraîches au quotidien, dans les 24h suivant leur récolte…
Mytiliculteurs de père en fils depuis 3 générations sur le fameux Port de Tréhiguier à Pénestin, la culture de moules de bouchot est inscrite dans les gènes des Brière. Tandis que son frère Jean-Sébastien a repris l’exploitation familiale, Axel a consacré sa vingtaine à la recherche d’une solution pour revaloriser les moules de bouchot trop petites pour être commercialisées.
« Fils et petit-fils de producteur de moules de bouchot, j’ai fait des études d’Économie, et pendant mon master, je me suis intéressé à la valorisation des externalités négatives, c’est-à-dire à la transformation de problèmes environnementaux en ressources économiques, et notamment à la recherche de matières premières marines durables, sujet de mon mémoire de fin d’études. L’idée de Mussella a donc émergée en 2012, mais l’usine actuelle date de 2021 ! »
Dotée d’un site de production unique au monde, « Mussella ce n’est pas juste un savoir-faire français, c’est le meilleur savoir-faire mondial à tous niveaux, avec une technologie de pointe ! ». Grâce à ses recherches et ses innovations qui lui ont valu 2 brevets industriels en son nom, Axel revalorise les moules en entièreté, à 100% : la chair, mais aussi les coquilles, le jus et depuis peu « les 2% restants, la charpie », qui est transformée en poudre de moules, très demandée pour la fabrication de compléments alimentaires !

Avec 2 opérateurs et 40 mètres de lignes de production, l’usine d’Axel est quasiment autonome : le 1er opérateur approvisionne les machines en moules en entrée de ligne et le 2nd conditionne les coproduits en sortie de ligne. Entre les deux, c’est la technologie qui s’occupe de tout ! Axel, lui, s’occupe de paramétrer et programmer la ligne, et assure la gestion des problèmes techniques entre ses coups de fil aux mytiliculteurs et clients !
Première étape : la machine vient cadencer toute la ligne, puis enlève le byssus des coquilles : le filament que produit la moule pour s'accrocher aux rochers.



Deuxième étape, dans la pièce d’à côté : la zone cuisson. Les moules y sont cuites par un autoclave qui leur fait un choc de pression : en une dizaine de secondes les coquilles s’ouvrent ! Elles sont ensuite directement passées au cribleur afin de séparer les coquilles de la chair et ne garder que les moules décortiquées.
Tandis que les coquilles sont envoyées vers un concasseur : une machine qui vient piler les coquilles pour être revendues à des entreprises de fabrication de biomatériaux français, les moules poursuivent leur chemin pour être surgelées à l’azote à -180°.
En parallèle, Mussella récupère aussi le jus des moules par un système d’évaporation de l’eau qu’on appelle un concentrateur car il concentre le jus jusqu’à 6 fois et le pasteurise. Ce jus très aromatique est ensuite conditionné en format de 10L pour être revendu à des entreprises agroalimentaires ou des entreprises de nutraceutique qui en font des compléments alimentaires après extraction moléculaire.
Une fois surgelées, les moules décortiqués sont prêtes à être mises en sachets et à rejoindre la salle froide. Vendues à la fois en grande distribution, aux restaurateurs, et aux entreprises agroalimentaires, ces moules décortiquées offrent une matière première d’exception unique en Europe puisque l’essentiel du marché mondial est tenu par les moules venant du Chili…


C’est ainsi qu’en 2024, Mussella a traité environ 500 tonnes de moules de bouchot, soit environ 1/3 de la production, pour les transformer en coproduits.
Axel précise : « La vraie valeur de Mussella n’est pas uniquement sur le procédé de fabrication, elle réside aussi dans notre capacité à articuler tout le monde, fournisseurs comme clients, et de comprendre ce que veut une société aussi exigeante que la belle-iloise par exemple… Car elle est extrêmement exigeante par rapport à d’autres clients, sur absolument tous les critères, et pour nous c’est une chance car nous avons beaucoup appris d’elle ! ».
Désormais associé avec 35 mytiliculteurs de Bretagne, Axel raconte : « J’ai mûri le projet pendant près de 10 ans, failli abandonner plusieurs fois, et Mussella doit sa réussite grâce à ses producteurs associés et des rencontres fortes tels que Christophe Lachenays et François Sehier de la belle-iloise* qui ont cru au projet et l’ont soutenu contre vents et marées. Ils ont eu conscience de la nécessité de trouver des matières premières assurant une durabilité à la Conserverie, tant d’un point de vue environnemental que dans un souci d’accès à la matière première et de diversification des ressources… ».
*respectivement Directeur des achats et Chef cuisinier de la belle-iloise
C’est d’ailleurs grâce à la Conserverie qu’Axel Brière a lancé sa propre tartinade de moules puisqu’elle est fabriquée chez nous, à Quiberon : la Patamoule, vendue sous sa marque « Paysans de la mer » en version classique ou version spicy !


Nous remercions chaleureusement Axel de son superbe accueil et lui souhaitons de continuer à innover et revaloriser avec succès !
Retrouvez toute la démarche de Mussella sur son site : https://www.mussella.fr/
Crédit photos : Joséphine Lefebvre https://josephine-lefebvre.fr/